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La République du Haut-Karabakh: un héritage culturel en danger
Imaginez-vous un instant le risque de voir disparaître une partie du patrimoine culturel ancestral des Arméniens. C’est bien ce qui pourrait arriver à la République autoproclamée du Haut-Karabakh, qui a perdu une grande partie de sa population ces derniers temps.
En septembre dernier, l’offensive éclair des forces azerbaïdjanaises a provoqué le départ massif de la quasi-totalité de la population arménienne vers l’Arménie. Et c’est ainsi que cette enclave montagneuse, une partie intégrante de l’Azerbaïdjan depuis la fin de l’Empire russe, a vu son avenir menacé.
Mais quels trésors culturels risquent de disparaître avec cette situation ? Vous seriez surpris d’apprendre que plusieurs centaines d’églises, monastères et pierres tombales datant du XIe au XIXe siècle se trouvent disséminées dans cette région. Un véritable héritage culturel qui est en péril.
Oubliés et menacés: les lieux symboliques arméniens en danger
Dans la région du Haut-Karabakh se trouvent des merveilles architecturales partiellement oubliées par le monde. Imaginez ces lieux pleins d’histoire, enfermés derrière des grilles et des échafaudages. Patrick Donabédian, chercheur renommé, nous fait savoir que ces structures renferment des trésors uniques, tels que des khatchars ornés de cavaliers armés datant de l’époque mongole. Fascinant, n’est-ce pas?
Malheureusement, avec l’exode massif qui a suivi l’offensive de l’Azerbaïdjan, ces sites sacrés sont menacés. « Il n’arrivera pas autre chose à ces lieux symboliques arméniens que ce qui est arrivé ailleurs », explique Hovhannes Guévorkian, représentant du Haut-Karabakh en France.
C’est d’autant plus triste de constater cet oubli lorsque nous savons que même à Bakou, l’église Saint Grégoire, classée monument historique national, est fermée au public. Les portes sont verrouillées et une extension de terrasse de restaurant bloque même l’une de ses entrées! Dans les villes de Gandja et Terter, qui encadrent le Haut-Karabakh, l’amnésie semble avoir effacé toute trace arménienne.
Mais le clou du spectacle est peut-être la cathédrale Saint-Sauveur de Choucha, considérée comme la capitale culturelle par Bakou. Elle est figée dans un carcan d’échafaudages, tandis que des bâches cherchent à cacher des monuments arméniens ailleurs. Quelle triste réalité…
L’avenir incertain du patrimoine arménien
Avec la récente capitulation des séparatistes, nous nous trouvons face à de nombreux risques concernant la préservation du patrimoine arménien. Lori Khatchadourian, archéologue à l’université américaine de Cornell, nous alerte sur les dégradations, les destructions et même l’effacement d’inscriptions historiques, qui pourraient être le résultat d’une tentative d’appropriation de l’histoire par d’autres acteurs. Les cimetières historiques et les églises des petits villages sont particulièrement menacés.
Pour documenter ce patrimoine arménien, le projet « Caucasus Heritage Watch » utilise des images satellitaires du Haut-Karabakh et de la région azérie du Nakhitchévan, près de la frontière avec l’Iran. Selon les chercheurs, entre 1997 et 2011, 108 monastères, églises et cimetières arméniens médiévaux et modernes ont été entièrement détruits. Concernant le site de Djougha, Lori Khatchadourian nous explique que la destruction s’est déroulée sur une décennie, de manière lente et constante.
Malheureusement, il est difficile de vérifier ces informations sur le terrain, car l’accès y est interdit ou strictement encadré par les autorités azerbaïdjanaises. De leur côté, ces autorités accusent également les Arméniens d’avoir profané ou dégradé des mosquées et des sites musulmans qui étaient sous leur contrôle. La vérité se trouve probablement quelque part entre ces deux versions, mais une chose est certaine : le patrimoine arménien est en grand danger.
Le patrimoine arménien face à de nouveaux défis
Le patrimoine arménien est confronté à de nouveaux défis, avec l’évolution récente de la situation dans le Haut-Karabakh. Près de 700 000 Azerbaïdjanais déplacés lors du conflit des années 1990 peuvent maintenant prétendre au retour dans la région. Le président Ilham Aliev a même remis en question les revendications historiques des Arméniens en affirmant que les mosquées et les églises étaient leur patrimoine historique.
En décembre 2021, la cour internationale a rappelé à Bakou ses obligations en vertu de la convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale. Pourtant, le ministère azerbaïdjanais de la Culture n’a pas encore répondu aux questions de l’AFP.
Bakou assure garantir l’égalité des droits et des libertés pour tous, quelles que soient leur origine ethnique, religieuse ou linguistique. Cependant, au-delà de l’architecture, c’est le patrimoine immatériel qui est également en danger. Les danses, les chants, les folklores et les dialectes du Haut-Karabakh risquent de disparaître avec le temps. Les gardiens naturels de ces traditions, qui les transmettent de génération en génération, pourraient encore les transmettre à la génération suivante, mais qu’en sera-t-il après ?