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Mercredi 23 août, un tragique accident d’avion élimine sans réserve Evguéni Prigojine, le fondateur et dirigeant de Wagner. Mais qu’est-ce qui pourrait être la cause de cette catastrophe ? Les soupçons portent sur Vladimir Poutine, comme l’a suggéré Joe Biden, qui aurait peut-être ordonné l’assassinat de Prigojine. Cet événement survient exactement deux mois après que le groupe paramilitaire Wagner a tenté de marcher sur Moscou.
Un parcours de vie tumultueux
Evguéni Prigojine, personnage clé dans la guerre en Ukraine, a connu un parcours atypique. Né à Saint-Pétersbourg en 1961, ses premières années ont été marquées par la perte de son père et la présence d’une mère infirmière. Mais dès son adolescence, Prigojine a pris des chemins dangereux.
Dès l’âge de 18 ans, il a dû faire face à la justice russe pour ses actes de délinquance. Des vols, cambriolages et même une agression contre une femme lui ont valu une condamnation à de la prison avec sursis. Mais cela ne l’a pas dissuadé, car deux ans plus tard, il se retrouve avec une peine de 13 ans de détention. En prison, il a eu le temps de réfléchir à ses actions et de faire face aux conséquences de ses méfaits.
Le succès d’un restaurateur et homme d’affaires qui gravit les échelons
Dans un contexte de chute de l’URSS et d’émergence de nouveaux riches, notre protagoniste retrouve sa liberté. Il choisit alors de se lancer dans l’industrie de la restauration et de l’alimentation. En peu de temps, il met en place un réseau de magasins, une chaîne de stands de hot dogs et plusieurs restaurants haut de gamme. Ces établissements deviennent rapidement prisés par l’élite de Saint-Pétersbourg. C’est au cours de cette période prospère que sa route croise celle de Vladimir Poutine, alors en pleine ascension politique.
Parallèlement à son activité dans la restauration, Evguéni Prigojine crée un groupe diversifié appelé Concord, qui s’étend notamment dans le secteur de la construction. Son entreprise ne cesse de croître grâce à des contrats publics lucratifs. Il devient fournisseur officiel de l’armée russe, puis du président lui-même. Des images d’archives montrent Prigojine en tenue de maître d’hôtel lors de dîners prestigieux avec des personnalités internationales telles que Jacques Chirac et Tony Blair. C’est ainsi qu’il se voit attribuer le surnom de « cuisinier de Poutine », bien qu’il ne mette pas directement la main à la pâte.
Cependant, cette activité lucrative suscite également des controverses, certaines personnes ayant dénoncé en 2022 des conditions de contrat très favorables qui sembleraient relever de la corruption.
Evguéni Prigojine : un leader controversé qui se fait entendre
Alors que l’armée russe peine à avancer en Ukraine, un groupe discret prend de l’importance : Wagner. Soutenu par Evguéni Prigojine, ce groupe de combattants se retrouve au cœur de l’invasion. Mais Prigojine ne se contente pas seulement de mener des opérations militaires, il se pose également en critique féroce de la hiérarchie militaire russe.
Tandis que l’offensive prend de l’ampleur, Prigojine parcourt les prisons de Russie en quête de recrues. Ses discours, largement relayés sur les réseaux sociaux, lui valent une notoriété grandissante. Son idée d’enrôler des prisonniers dans les rangs de Wagner remporte un certain succès, mais les pertes humaines sont nombreuses.
Au fil des mois, la voix de Prigojine se fait de plus en plus critique envers la hiérarchie militaire. Dans des vidéos diffusées en ligne, il dénonce leur corruption et leur manque de soutien envers les combattants de Wagner. Les soldats de ce groupe paramilitaire sont souvent privés de l’équipement et des munitions nécessaires pour mener leurs opérations.
Cette critique acerbe ne fait pas l’unanimité, mais elle connaît une certaine popularité, en particulier chez les nationalistes pro-guerre. « Ce discours résonne chez de nombreux Russes. Il dénonce les problèmes qui existent au sein de l’armée, sans pour autant s’attaquer directement à Vladimir Poutine lui-même », explique l’analyste Ulrich Bounat.
La notoriété grandissante de Prigojine a même suscité des rumeurs sur ses ambitions politiques, des rumeurs qu’il a toujours catégoriquement niées.
Les coulisses mystérieuses de Wagner et de l’armée de l’ombre
En 2014, Prigojine fonde une société de sécurité privée qui jouera un rôle essentiel dans le conflit en Ukraine. Derrière les séparatistes prorusses se trouvent en réalité les mercenaires du groupe Wagner, dirigé par Prigojine lui-même. Ces hommes, surnommés les « petits hommes verts », agissent discrètement et sans insigne pour préserver l’anonymat de leur implication.
Progressivement, l’activité de Wagner s’étend à d’autres territoires, notamment la Syrie, la Libye et la Centrafrique. Le recours à ces mercenaires permet au Kremlin de dissimuler son implication directe dans les conflits et de minimiser ses pertes au combat. Parallèlement à ses activités militaires, l’empire de Prigojine est également impliqué dans la guerre de l’information en ligne.
L’Internet Research Agency, soutenue par Prigojine, se chargeait d’influencer des élections en créant de faux comptes sur les réseaux sociaux. En France et aux États-Unis, elle a joué un rôle non négligeable, notamment en favorisant l’élection de Donald Trump en 2016.
Cette désinformation s’étend également à l’Afrique, où la propagande anti-française et la glorification de Wagner sont utilisées pour soutenir les activités russes en Centrafrique, au Mali et au Burkina Faso.
Pendant de nombreuses années, Evguéni Prigojine a opéré dans l’ombre. Ce n’est que tardivement qu’il s’est rendu public en regroupant plusieurs médias sous le groupe Patriot en 2019. En 2022, avec le début de l’offensive russe en Ukraine, il a finalement reconnu être le fondateur et le dirigeant de Wagner, et Vladimir Poutine a cessé de se distancier des actions de ce groupe armé.
Evguéni Prigojine : rebelle en fuite et mystères en suspens
Dans une tentative audacieuse de défier l’autorité militaire, Evguéni Prigojine déclare le 23 juin que ses troupes en Ukraine ont été attaquées par l’armée russe et appelle à une marche vers Moscou. Le lendemain, ses hommes prennent le contrôle de Rostov, une grande ville proche de la frontière ukrainienne. Face à cette situation, Vladimir Poutine apparaît à la télévision russe et dénonce un « coup de poignard dans le dos », affirmant que « la Russie lutte aujourd’hui pour son avenir ». Cependant, les soldats de Wagner s’arrêtent finalement à 200 km de Moscou et font marche arrière. Deux jours plus tard, Evguéni Prigojine annonce qu’il met fin à son avancée pour « éviter de verser du sang russe ».
Cette rébellion a toutefois placé Vladimir Poutine dans une position de vulnérabilité sans précédent. Dans un discours visant à clore la crise, le président russe propose l’amnistie à tous ceux qui se sont rebellés, mais ne mentionne pas spécifiquement Prigojine. Le lendemain, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, annonce que Prigojine s’installera dans son pays avec ses hommes, loin de Moscou et de l’Ukraine. Cependant, cet exil semble n’avoir jamais été concrétisé.
Nous savons que le 29 juin, cinq jours après la fin de sa rébellion, Evguéni Prigojine est arrêté. Fin juillet, une photo le montre serrant la main d’un responsable centrafricain de Wagner, lors d’un sommet en Afrique à Saint-Pétersbourg. Lundi dernier, Prigojine a publié un message depuis sa rébellion, affirmant se trouver quelque part en Afrique et déclarant agir pour la grandeur de la Russie. Avait-il obtenu le pardon du Kremlin ? Se croyait-il protégé ? Ces questions ont peut-être trouvé une réponse mercredi, lorsque l’avion privé transportant Prigojine de Moscou à Saint-Pétersbourg, en compagnie d’un groupe de fidèles, s’est écrasé en pleine campagne russe.
