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Nous avons été témoins d’un événement historique unique. L’Ukraine, un pays engagé dans un conflit militaire depuis son attaque par la Russie en février 2022, a réussi à se qualifier pour l’Euro de football en mars dernier. Par une victoire décisive sur la Bosnie-Herzégovine et l’Islande en barrages, l’équipe ukrainienne a réussi à faire briller une lumière d’espoir dans la mélancolie de la guerre.
Nouveaux terrains, nouvelles épreuves
L’Ukraine, absent de son sol natif pour sa sélection depuis 2021, entre en action à l’Euro contre la Roumanie ce lundi 17 juin à 15 heures. Le football dans ce pays en guerre a transcendé le simple jeu sportif pour devenir un symbole de résistance.
La Zbirna, déterminée et courageuse, représente ainsi l’Ukraine. Trois mois après sa qualification, ils sont maintenant dans la cour des grands, joueurs de l’Euro.
Un tournoi teinté d’une saveur particulière
Se tenant en Allemagne, le tournoi est particulièrement significatif pour les Ukrainiens. Pourquoi ? Car l’Allemagne est devenue la demeure de plus d’un million d’entre eux. Les précieux terrains de football les ont suivis : clubs de grande renommée et sélection nationale ukrainienne, tous ont été contraints d’y déménager pour disputer des matches internationaux.
Une adoption footballistique allemande pour l’Ukraine
Ces deux dernières années ont vu l’Ukraine s’installer à domicile en Allemagne, Pologne, Slovaquie ou République Tchèque, selon leurs générosités. Des milliers de fans, au grand bonheur des nombreux expatriés ukrainiens, ont afflué à ces matchs pour savourer des instants d’unité authentiques.
“L’Ukraine a trouvé une seconde maison en Allemagne depuis le début de la guerre, juste derrière la Pologne. Jouer cet Euro ici revêt donc un caractère très particulier, »
Andrew Todos, journaliste anglo-ukrainien suivi de près par la sélection ukrainienne.
« Pour les derniers mois, le Shakhtar Donetsk a souvent joué à Hambourg. C’est une ville fortement habitée par les expatriés ukrainiens, tout comme Munich et Düsseldorf où l’Ukraine disputera cet Euro. On prévoit de l’émotion à l’état brut. »
Andrew Todos
Envisageant tous un retour potentiel à Hambourg – Andrew Todos l’apprécie comme « un beau clin d’œil » – lors des quarts de finale, l’Ukraine a pris ses quartiers à Wiesbaden, à l’ouest de Francfort. Une sécurité renforcée s’est établie autour de la sélection, avec des hélicoptères et des drones.
Le jeudi 13 juin, lors du seul entraînement accessible au public, les ondes étaient brouillées et des hommes armés se mêlaient aux 5 000 spectateurs dont 1 000 Ukrainiens. Tous étaient ravis de ressentir une part de chez eux malgré la distance.
« Our cities would love to host the EUROs, but they are fighting for freedom ! »
13 players from the Ukraine NT address the world before EUROs. Their hometowns have been affected by Russian aggression – they are either damaged or temporarily occupied.Ukrainian Association of Football
Les joueurs, comme l’ancien Marseillais Ruslan Malinovski, étaient focus sur ces visages heureux : « Il est crucial pour nous de ressentir ce soutien. L’Allemagne nous apporte beaucoup. J’espère que les Ukrainiens arriveront à regarder nos matchs ». Sergueï Rebrov, le sélectionneur, partage son sentiment : « C’est agréable de se sentir comme à la maison. Tout le monde est fatigué. On se bat pour notre liberté et le football n’est pas la priorité, mais on tient à être représentés pour continuer à garder espoir ».
Un rayon de soleil d’Euro dans un ciel nuageux
Préparer l’entrée de l’Euro face à la Roumanie, n’a pas été de tout repos pour l’Ukraine, surtout pour ceux qui jouent toujours en championnat national (représentant le tiers de la liste des 26). Andrew Todos, journaliste ukrainien, nous donne un aperçu de leur réalité où ils vont devoir se réadapter à des conditions normales de matchs, dans des stades pleins et sans alertes de bombes.
« Certains stades restent fermés, comme à Odessa et Dnipro, où un missile est tombé à 300 m du stade l’année dernière. Ce qui montre le danger. On a eu des matchs de plus de quatre heures à cause des interruptions causées par les raids aériens russes. »
Andrew Todos, journaliste ukrainien
Heureusement, l’Ukraine a trouvé une précieuse alliée en Allemagne, le « partenaire le plus important de l’Ukraine dans cette guerre », comme l’a dit le sélectionneur Sergueï Rebrov. C’est ainsi que cette dernière a ouvert ses clubs de football aux jeunes talents ukrainiens exemptés de la loi martiale. Dmytro Bogdanov, l’un de ces jeunes talents n’a pas manqué de briller dans le club allemand, le Dynamo Dresden.
L’Euro 2024 de football débute aujourd’hui en Allemagne. L’équipe nationale d’Ukraine y participe également. Si le pays est en guerre depuis plus de deux ans, le sport numéro un en Ukraine continue d’être pratiqué, avec des restrictions.
ARTE Info
Mais nos valeureux joueurs ukrainiens ne pensent pas seulement à dribbler sur le terrain, ils se préoccupent également du bien-être de leurs compatriotes. En effet, ils organisent des collectes de fonds pour aider les soldats et les familles de victimes. Un administrateur anonyme du Shakhtar Donetsk précise qu’il espère aussi apporter de l’aide par leurs performances sur le terrain et leur présence en Euro.
« C’est surréaliste de jouer au foot pendant que des gens se battent. Mon beau-père est au front, il a besoin de matériel mais quand on s’appelle, on parle de foot, pas de la guerre. »
un cadre du Shakhtar Donetsk sous couvert d’anonymat
Et le cadre du Shakhtar Donetsk termine en disant : « L’Allemagne nous est d’une grande aide, mais il serait formidable qu’ils nous fournissent également des missiles Taurus, car pendant que nous jouons au football, des gens meurent au front. »
Place à l’espoir : l’équipe nationale d’Ukraine fait briller l’or de sa génération
Soyez prêts, fans de foot, à encourager une équipe qui joue le tout pour le tout ! Vous vous demandez qui ? Leur devise : « Nous représentons fièrement l’Ukraine et nous rappelons au monde ce que nous traversons. Chaque victoire de notre pays, sur le terrain et en dehors, est cruciale pour tous les Ukrainiens et en particulier pour ceux qui le défendent en ce moment. » Un vibrant message d’espoir, émis par l’illustre Andreï Chevtchenko, président de la fédération ukrainienne et Ballon d’or 2004.
« L’objectif officiel est de sortir des poules, le reste sera du bonus. Pour moi, on peut viser au moins les quarts de finale voire les demi-finales, parce que, portés par ce contexte, on peut avoir un supplément d’âme. »
Andrew Todos, journaliste ukrainien
Décidément engagés dans la bataille, nos porteurs du maillot aux tridents ont une surprise dans leur manche : leurs talents dorés. La scène est déjà illuminée par la superbe performance d’Oleksandr Zinchenko (Arsenal), Mykhaïlo Mudryk (Chelsea), et Andriy Lunin (Real Madrid). « La moitié de l’équipe joue à très haut niveau en Europe, dans des grands clubs. Et ils sont en forme ! » comme l’affirme Andrew Todos. En effet, notre génération championne du monde U19 arrive à maturité et est prête à affronter cette nouvelle épreuve.
Tenant le titre de quarts de finaliste en 2021, les Ukrainiens sont incontestablement des adversaires coriaces avec une victoire retentissante en Moldavie (4-0), suivie de deux matchs nuls contre l’Allemagne (3-3, 0-0). L’Angleterre (1-1) et l’Italie (0-0) se sont aussi heurtées à cette équipe pendant les qualifications. Cela promet du spectacle lors des prochains matchs !
Pour conclure ce tour d’horizon, Andreï Chevchenko partage un message d’espoir : « Nous sommes prêts à faire face à tout ce qui peut arriver. Nous avons été obligés de jouer ailleurs, loin de nos proches et de nos racines, et nous avons toujours trouvé beaucoup de chaleur. A l’Euro, l’équipe ne se sentira pas seule. » Un beau rappel que même au milieu de l’échauffement d’une joute sportive, le soutien mutuel est une victoire en soi.