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« Catastrophique ». C’est par ce terme qu’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a qualifié la moisson de blé tendre lors de son intervention le mercredi 7 août. Un constat sans appel : il anticipe « entre 25 et 30% de récolte en moins ».
Selon le cabinet Argus Media, on pourrait n’avoir que 25,17 millions de tonnes de blé tendre récoltées en 2024. Cela marquerait le seuil le plus bas depuis 1983. À titre de comparaison, 2023 avait permis la récolte de 35,1 millions de tonnes.
Oui, c’est une mauvaise année pour la production de la céréale essentielle à notre pain quotidien.
1. Météo capricieuse : pourquoi une si mauvaise récolte de blé tendre ?
Les températures basses, l’absence de soleil et diverses maladies ont pénalisé le blé tendre. Le responsable d’Argus Media explique que « le temps pluvieux a mal démarré la saison au moment des semis ». Ces conditions météo défavorables ont fait chuter les rendements de 18,7% en comparaison avec la moyenne des cinq dernières années. En outre, les surfaces cultivées en blé tendre ont diminué de 10,5% sur un an.
Jean-Bernard Lozier, agriculteur dans l’Eure, mentionne des difficultés dès l’automne avec l’implantation des cultures. « Les nuits froides et l’excès d’eau au printemps ont déclenché des maladies du pied et gêné la fécondation des épis », partage-t-il. L’agriculteur ajoute que « on a eu des épis sans grains dans le tiers supérieur ». Pour ce céréalier, les années désastreuses deviennent plus courantes à cause du réchauffement climatique, amplifiant la sévérité des sécheresses et des pluies.
2. Quel impact sur d’autres cultures ?
Les cultures d’orge, de colza ou de pois n’ont pas été épargnées par les caprices de la météo. L’Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture, avait déjà tiré la sonnette d’alarme début juillet, tablant sur une forte baisse des récoltes d’orge d’hiver et de colza pour 2024. Les chiffres sont parlants : 8 millions de tonnes d’orge d’hiver cette année contre 9,7 millions l’an passé, et pour le colza, 3,9 millions de tonnes en 2024 comparées aux 4,3 millions de 2023.
Jean-Bernard Lozier, agriculteur éprouvé, confie que ses rendements en blé, orge et colza ont été réduits de moitié. La récolte de pois, elle, est tout bonnement inexistante : « Tout avait disparu avant la récolte », se désole-t-il. Heureusement, il y a une petite lueur d’espoir ! D’autres cultures comme le maïs, le tournesol et le sorgho semblent s’en sortir mieux. Après un début difficile, ils bénéficient maintenant de pluies bénéfiques et de températures favorables. Jean-Bernard reste donc « plutôt optimiste pour ces récoltes », espérant ainsi limiter les pertes de cette année calamiteuse.
3. Les répercussions pour les producteurs
Arnaud Rousseau, porte-parole syndical, évoque des pertes significatives pour une ferme classique, avec une diminution des rendements de blé tendre pouvant représenter entre 30 000 et 40 000 euros. En outre, ajoute-t-il, les intempéries récurrentes de l’été ont détérioré la qualité des moissons. « Ce n’est pas systématique, mais le blé, quand il subit comme ça, de manière régulière, des précipitations pendant l’été, sa qualité se dégrade », souligne-t-il, notant que cela pourrait engendrer une baisse du prix versé aux agriculteurs.
Quant à Jean-Bernard Lozier, celui-ci anticipe une diminution moyenne de 30 % de marge sur ses cultures de blé tendre, d’orge et de colza. « Je bénéficie toutefois de coûts réduits grâce à une utilisation minimale d’intrants », commente-t-il. Cependant, il se dit préoccupé pour ses confrères en agriculture conventionnelle qui, ayant usé de plus de produits phytosanitaires face aux conditions climatiques défavorables, risquent de subir une année financièrement désastreuse.
4. Les tarifs des produits dérivés du blé tendre vont-ils flamber ?
Jean-Bernard Lozier affirme avec assurance que « la mauvaise récolte en France ne pèse rien sur le marché international, ça m’étonnerait que les prix augmentent. C’est complètement impossible de décider d’augmenter les prix, on est entièrement tributaires du marché international. » Il pense que si les prix des produits à base de blé tendre montaient, « la mauvaise récolte ne sera qu’un prétexte ».
Le blé tendre est la céréale la plus répandue en France et sert à produire de la farine pour le pain, les gâteaux et bien d’autres gourmandises. Contrairement au blé dur, utilisé principalement pour les pâtes et la semoule, le blé tendre est la base de la plupart des pâtisseries. Selon l’Agreste, la production de blé dur devrait rester stable entre 2023 et 2024.
5. L’État viendra-t-il en aide aux agriculteurs ?
Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, souhaite que les fonds dits de « crise » de l’Union européenne soient « rapidement activés ».
Fin juillet, il avait déjà sollicité le ministre démissionnaire de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour instaurer « des mesures d’accompagnement de l’État classiques ». Il proposait, par exemple, des exonérations sur les taxes foncières non bâties et des aides pour payer les charges sociales et fiscales en cas de mauvaises moissons.
Arnaud Rousseau a également indiqué que la FNSEA négociait actuellement avec les banques pour obtenir « des prêts bonifiés à taux réduits, permettant de poursuivre les cycles d’exploitation ». Affaire à suivre de près !